Le 5 avril 2023, Augustin Trapenard recevait dans La grande librairie trois auteurs et autrices, unis par une mémoire commune : les juifs de la Shoah. Morceaux choisis d’une émission poignante.
Jean-Claude Grumberg présente son conte pour vieil enfant De pitchik à pitchouk et se dit chargé de mémoire collective et familiale. Un vieil enfant est quelqu’un « qui revisite son enfance ». Pour Anne Berest, autrice de La carte postale, « Cette histoire est universelle car elle appartient à l’être humain. (…) Ne pas se souvenir, c’est faire mourir les gens deux fois. » Dans La promesse, sa première publication, Marie de Lattre livre le fruit de ses recherches. Elle y donne « une photographie de mon histoire familiale la plus juste possible afin de pouvoir m’en délester. » Une sorte de revanche sur la mémoire familiale qui lui a été interdite pendant toute son enfance.
Simone Veil préférait l’expression « devoir de transmission », qui évoque le mouvement, à l’habituel « devoir de mémoire ». Jean-Claude Grumberg va plus loin, parlant de « l’impossibilité d’oubli ».
Michel Hazanavicius, venu lire un texte sur le plateau, souligne que l’on est « à un moment crucial de l’histoire de la Shoah qui ne va plus se raconter de la même façon, les derniers témoins disparaissant. La manière de raconter va pouvoir basculer dans la fiction interdite jusqu’ici. »
Et Augustin Trapenard, l’animateur de l’émission, de conclure : « Au fond, toutes ces histoires sont des histoires de silence. »
Sylvie Macquet, 26 avril 2023
« À l’âge de 25 ans, pour gagner ma vie, je suis devenue biographe pour des particuliers. Je recueillais le témoignage de personnes souvent âgées, et puis j’écrivais leur vie. Aucun métier ne fut pour moi plus enrichissant que celui-là. J’ai appris à interroger les êtres, à tresser leur histoire dans la grande histoire, à comprendre les lignes de force qui traversent les vies vécues. C’est un métier qui m’a aussi appris à écrire.
Et si je vous raconte cela, c’est parce que les vacances approchent. Je vous invite à prendre un stylo, un carnet, un enregistreur, quelques feuilles de papier, et à interroger [vos proches]. Faites-le maintenant, parce que les choses s’envolent et que, ensuite, il est trop tard. Prenez ce temps avant que le temps ne vous prenne.
Je me souviens de questions que j’adorais poser : qui a choisi votre prénom ? Était-ce celui de l’un de vos ancêtres ? Quel était le métier de vos grands-parents ? Quel était l’odeur de votre mère ? Avez-vous habité d’autres pays ? À quel moment de votre existence avez-vous été le plus heureux ? Est-ce que quelqu’un un jour vous a sauvé la vie ? En écoutant les réponses, j’ai appris que chaque vie est romanesque pour celui qui a la curiosité de s’y plonger. Et je vous promets qu’un jour les mots que vous allez recueillir, entendre, retranscrire, écrire seront votre trésor, votre héritage pour vous et pour ceux après vous. »