Un collectif de linguistes s’insurge contre la diffusion d’idées fausses sur la langue française. Ces professionnels dénoncent les discours alarmistes de puristes nourrissant l’idée d’une langue envahie d’anglicismes et qui s’appauvrit. Maria Candea, professeure de sociolinguistique et linguistique française, expose dans le podcast Tracts sur France Culture : « Cela finit par entretenir le mélange de véritables problèmes d’accès aux compétences en rédaction avec la diffusion d’une peur paralysante des fautes. À force, cela crée une culpabilité et une insécurité par rapport à notre propre langue. » Deux professeurs belges – qui font d’ailleurs partie du collectif – ont apporté leur pierre à l’édifice en révolutionnant la façon d’appréhender l’orthographe française. Leur conférence-spectacle La faute de l’orthographe a eu un succès retentissant auprès des professionnels de la langue française.
En Europe, les langues ont poursuivi leur mue sans discontinuer. En France, « l’Académie française s’est autoattribué l’ambition de bloquer l’évolution des normes » qui sont figées depuis 1835. Son dictionnaire, publié une fois par siècle – à la différence des autres dictionnaires mis à jour tous les ans – « est devenu sans objet. Son prestige est sans lien avec ses compétences. »
« L’accumulation de déclarations catastrophistes sur l’état actuel de notre langue a fini par empêcher de comprendre son immense vitalité, sa fascinante et perpétuelle faculté à s’adapter au changement, et même par empêcher de croire à son avenir ! », poursuit Maria Candea.
Ces linguistes atterré·es par l’ampleur et l’archaïsme des discours ambiants ont créé le Tract des linguistes. Le mouvement ambitionne de créer un collège des francophones, qui vise à remplacer l’Académie française dans ses missions en faisant converger toutes les instances qui travaillent vraiment sur les normes du français. Il veut mettre à la disposition du plus large public possible ses méthodes, outils et ressources. Au lieu de multiplier les dictées, le Tract des linguistes propose des mesures concrètes relatives à l’orthographe, à l’enseignement, à l’anglais, au genre… Et par exemple :
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- faire appliquer la rectification orthographique de 1990 ;
- aller plus loin dans la simplification de certains pluriels ;
- banaliser l’usage des correcteurs automatiques orthographiques, comme les calculatrices l’ont été pour les cours de mathématiques…
Précisons que la langue, dans toute sa richesse, est l’outil des biographes dans leur aide à la transmission. Ces derniers s’adaptent aux souhaits de leurs clients en adoptant ou non l’orthographe révisée.
Et Maria Candea de conclure : « Le seul ennemi mortel d’une langue est sa non transmission dans les familles. C’est pour cette unique raison que la langue est menacée en France. On n’a jamais autant parlé et écrit en français ! ». Ne faut-il pas laisser la linguistique aux mains des personnes dont c’est le métier ?
Pour aller plus loin : la chronique langue de Laélia Véron – passionnante ! – sur France Inter.
Sylvie Macquet, 26 juin 2023