D’aucuns vous diront que la biographie couvre la vie entière d’une personne, de sa naissance jusqu’à sa mort, alors que le récit de vie ne porte que sur un événement précis, tout au plus sur une période donnée. Soit. Mais il n’y a qu’à se rendre au rayon culture et société de la Fnac pour se voir proposer quantité de biographies d’hommes et de femmes bien vivants. Or, jusqu’à preuve du contraire, s’ils sont vivants c’est qu’ils ne sont pas morts. Leurs vies toujours en cours n’ont donc pas pu être couvertes en totalité, et il nous faut chercher ailleurs le contraste entre nos deux expressions.
D’autres verront alors dans la biographie un récit de vie particulier : celle-là serait un genre réservé aux seuls grands de ce monde, tandis que celui-ci traiterait de la vie du commun des mortels. Une histoire de grandeur ? Pourquoi pas. Sauf que les grands sont bien souvent aussi communs que les communs peuvent se révéler grands. Un genre littéraire ne se définit pas à partir de la notoriété de son objet.
Peut-être est-ce pour cela que d’autres encore, plus méthodiques, s’attacheront à disséquer les mots un par un. Puisque la bio-graphie place la vie en premier lieu et que le récit-de-vie en appelle d’abord à l’idée de narration, les deux termes ne mettraient tout simplement pas l’accent sur la même chose. Simple question de nuances ? On se rapproche, mais il suffit d’élargir un peu la piste étymologique pour voir apparaître une véritable différence de sens.
Car si l’on s’arrête plus longuement sur l’appellation de bio-graphie, on remarque que celle-ci est forcément écrite. Or, rien n’indique qu’il doive en être de même pour le récit de vie ! Dans son sens premier, le récit est en effet une simple présentation d’événements, quel qu’en soit le support : à l’écrit, à l’oral ou même en images. Biographie d’une part et récit de vie d’autre part ne sont donc pas à distinguer d’après leurs objets, puisqu’ils partagent le même en retraçant tous deux la vie d’une personne, mais d’après leurs supports : la biographie est précisément écrite quand le récit de vie se veut beaucoup plus libre.
Parler d’une biographie revient donc à parler d’un récit de vie présenté à l’écrit, c’est tout. Et cette différence formelle, aussi simple soit-elle, n’en est pas moins fondamentale dans le métier du biographe. Car en tant que professionnel de l’écrit, le biographe n’est qu’un metteur en forme : il écrit votre biographie à partir du récit que vous lui faites de votre vie.
Reste encore à définir la forme sous laquelle vous souhaitez lire votre texte, et la grande famille des écritures du moi ne manque alors pas d’idées. Vous pouvez par exemple choisir un récit au jour le jour, à la manière d’un journal, ou préférer l’approche plus historique des mémoires. Vous pouvez aussi opter pour la forme hybride de l’autofiction, où votre récit réel se coule dans une narration romancée. Et vous pouvez même aller encore plus loin dans la liberté de fiction avec le roman biographique ou personnel, mais c’est là une tout autre histoire. Une histoire qu’il faudra bien sûr adapter à la vôtre, car c’est finalement là tout l’enjeu de la biographie : adapter par écrit le récit de votre propre histoire.
Boris Dupuis, 3 octobre 2019